L’opposition parlementaire |
Emmanuel Macron a demandé mercredi, lors d’une allocution télévisée, aux groupes politiques de l’opposition de définir « jusqu’où ils sont prêts à aller » dans la coopération avec le gouvernement. La coalition présidentielle Ensemble a obtenu une majorité relative à l’issue des élections législatives dimanche dernier. Sous la Ve République, l’opposition à l’Assemblée nationale, qui représente un contre-pouvoir au gouvernement, peut renverser ce dernier, voire parvenir au pouvoir en cas de cohabitation.
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L’opposition parlementaire désigne les partis ou les mouvements politiques qui n’appartiennent pas à la majorité parlementaire et qui s’opposent au gouvernement au pouvoir. Dans une démocratie, elle constitue un contre-pouvoir, qui « permet d’éviter que la majorité, une fois parvenue au pouvoir, n’ait la tentation de mener une politique portant atteinte aux droits et libertés », explique Vie-publique.fr, un site d’information dépendant des services du Premier ministre. À cet effet, la Constitution a conféré sous la Ve République différents pouvoirs à l’opposition parlementaire, à commencer par celui de voter ou non les textes de loi, ainsi que celui de mettre en cause le gouvernement via une motion de censure et celui de saisir le Conseil constitutionnel, l’instance chargée de contrôler la conformité des lois à la Constitution. L’opposition parlementaire participe au pluralisme politique en proposant des solutions politiques alternatives et incarne ainsi la possibilité d’une alternance au pouvoir en place.
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1962 |
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Un gouvernement défait par une motion de censure |
En 1962, une majorité de députés adoptent une motion de censure, déposée par l’opposition en vertu de l’article 49.2 de la Constitution, contre le gouvernement Pompidou, entraînant sa démission. Les députés protestent ainsi contre le recours du président Charles de Gaulle à un référendum pour introduire dans la Constitution l’élection du président au suffrage universel direct. Ils estiment que ce recours constitue une violation de la Constitution, dont un article prévoit qu’une révision constitutionnelle doit être votée au préalable par le Parlement. Pour justifier ce référendum, Charles de Gaulle s’est appuyé sur un autre article de la Constitution, sa réforme risquant d’être rejetée au Parlement alors qu’elle allait consacrer la prééminence du président de la République. En réaction à cette motion de censure, Charles de Gaulle dissout l’Assemblée nationale et le référendum aboutit à l’adoption de la réforme. Il s’agit de l’unique motion de censure adoptée sous la Ve République, sur un total de 111 déposées. L’opposition en dépose cependant « afin d’acter au cours d’un débat parlementaire son désaccord » avec le gouvernement et la majorité, explique Vie-publique.fr.
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1988 |
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Négociations et 49.3 |
Aux élections législatives de 1988, sous la présidence de François Mitterrand, la majorité socialiste n’obtient qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale, avec 275 députés. Pour faire adopter des lois, « on négociait, on allait voir les groupes parlementaires dont on espérait obtenir au moins l’abstention » et « on essayait de faire des concessions raisonnables », racontait dans une interview au Monde en 2012 Guy Carcassonne, conseiller aux relations avec le Parlement du Premier ministre Michel Rochard. À défaut, Michel Rocard puis les deux Premiers ministres qui lui succèdent durant cette législature (1988-1993) recourent à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui engage la responsabilité du gouvernement : le 49.3 permet d’adopter une loi sans vote, sauf si une motion de censure est déposée et adoptée par une majorité de députés. Le 49.3 est engagé 39 fois durant cette législature, un record. Ces recours donnent lieu à huit motions de censure, qui seront toutes rejetées mais parfois de justesse, en particulier une en 1990 qui échoue à cinq voix près.
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1997 |
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Troisième cohabitation |
Le président Jacques Chirac, qui cherche à consolider sa majorité, dissout l’Assemblée nationale en avril 1997. Il perd à la grande surprise la majorité aux élections législatives anticipées, la « gauche plurielle » qui avait fait coalition remportant le plus grand nombre de sièges. Une troisième période de cohabitation – la dernière en date – s’ouvre pour cinq ans et Jacques Chirac nomme Lionel Jospin Premier ministre. La cohabitation désigne la coexistence d’un chef de l’État et d’un chef de gouvernement, qui représente la majorité parlementaire, aux tendances politiques opposées. Elle a pour conséquence un affaiblissement de la fonction présidentielle au profit du Premier ministre, dont le gouvernement « conduit la politique de la nation », selon la Constitution. La loi constitutionnelle de 2000, qui réduit le mandat présidentiel à cinq ans, puis l’inversion du calendrier électoral en 2001, qui repousse les législatives après la présidentielle, viseront à limiter les risques de cohabitation.
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2008 |
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Les pouvoirs renforcés de l’opposition |
La réforme constitutionnelle de 2008 renforce les pouvoirs du Parlement et des groupes parlementaires d’opposition et minoritaires. Ces derniers fixent un jour par mois l’ordre du jour de la séance et ils disposent de « droits spécifiques », reconnus dans la Constitution. À l’Assemblée nationale, des postes sont reversés aux membres des groupes d’opposition dans les instances décisionnelles, dont la présidence de la Commission des finances, ainsi que dans les activités de contrôle et d’évaluation comme les commissions d’enquête. Par ailleurs, la réforme a limité le recours au 49.3 par le Premier ministre à un texte de loi par session parlementaire (d’octobre à juin), en plus des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale. Dans un contexte où les pouvoirs exécutif et législatif se confondent dans la majorité parlementaire, la reconnaissance dans la Constitution de droits spécifiques à l’opposition participe au « rééquilibrage » des institutions, analysait Ariane Vidal-Naquet, professeure en droit public, dans une revue spécialisée en 2013.
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LE SAVIEZ-VOUS ? |
Le « cabinet fantôme » britannique |
Au Royaume-Uni, le chef du principal parti d’opposition à la Chambre des communes, l’opposition dite « officielle », forme un « cabinet fantôme » qui reflète le cabinet du gouvernement. Chaque membre de ce « cabinet fantôme » examine les activités de son ministre homologue et élabore des politiques alternatives. De cette façon, l’opposition peut « se présenter comme un gouvernement alternatif en attente » de gouverner, explique le site du Parlement britannique. Depuis 2010, le Parti travailliste représente l’opposition officielle et compose ce « cabinet fantôme ».
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