L’éolien en mer |
De l’électricité a été produite pour la première fois la semaine dernière en France à partir d’éoliennes en mer, dans un parc au large de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Ce parc, qui compte actuellement 27 éoliennes, doit en totaliser 80 d’ici la fin de l’année. Elles produiront « l’équivalent de la consommation domestique annuelle de 700 000 personnes », selon EDF Renouvelables, une filiale du producteur d’électricité. L’éolien en mer est moins développé en France que chez ses voisins européens, malgré une importante façade maritime.
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L’éolien en mer, ou éolien offshore, est un mode de production d’électricité qui utilise une énergie renouvelable, le vent. Une éolienne en mer fonctionne selon le même principe qu’une éolienne terrestre : elle produit de l’électricité grâce à ses pales, qui captent la force du vent et font tourner un axe. « L’énergie mécanique ainsi créée est transformée en énergie électrique par un générateur », explique l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), un établissement public. L’avantage d’installer une éolienne en mer est que « les vents y sont plus forts et réguliers que sur terre et permettent de produire jusqu’à 60 % d’énergie en plus que pour des éoliennes terrestres », souligne EDF sur son site. « Compte tenu des fonds marins et des conditions météorologiques plus rigoureuses », l’installation des éoliennes en mer « comme les matériaux utilisés pour garantir leur résistance sont donc plus coûteux qu’à terre », pointe l’Ademe. En 2018, les pays ayant la plus importante capacité éolienne en mer installée étaient le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine et le Danemark, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), une organisation regroupant 30 pays parmi les plus industrialisés du monde.
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1991 |
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Le premier parc éolien offshore au monde |
En 1991, le tout premier parc éolien en mer, Vindeby, est inauguré dans le sud-est du Danemark. Constitué de 11 éoliennes, il a une capacité de 5 MW, ce qui correspond à la consommation annuelle de 2 200 foyers. « Des expérimentations similaires ont lieu en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni dès les années 1990 », note Sylvain Roche, économiste à Sciences Po Bordeaux, dans sa thèse, soutenue en 2019. Il précise cependant qu’en France, l’éolien en mer paraît encore « un peu lointain » au tournant des années 2000 : « La dynamique de l’éolien en mer vient ainsi se heurter à la culture du nucléaire, élément fondamental » du système énergétique français. En 2021, le nucléaire assure toujours 69 % de la production d’électricité de la France, contre 24 % pour les énergies renouvelables, selon les chiffres de RTE, le gestionnaire de réseau de transport d’électricité. Au Danemark, 57 % de la production d’électricité en 2020 vient de l’éolien (terrestre et en mer), selon les données de l’AIE. Devenu obsolète, le parc Vindeby a été démantelé en 2017, après 26 ans d’activité.
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2002 |
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L’impact de l’éolien en mer sur l’environnement |
Un an après une directive européenne reconnaissant la « nécessité de promouvoir en priorité les sources d’énergie renouvelables », la Commission européenne, codétentrice du pouvoir exécutif de l’UE avec les États membres, lance en 2002 le projet COD, qui vise à accélérer la recherche sur l’éolien en mer et à évaluer les conséquences de son développement sur l’environnement. La Commission européenne estimera en 2005 que l’impact des éoliennes offshore sur les mammifères marins est « moins important qu’anticipé », mais que celui sur les oiseaux, en particulier migrateurs, doit être mieux étudié. Un rapport de l’école d’ingénieurs Centrale Nantes et du CNRS de 2021 sur Floatgen, un prototype d’éolienne flottante installé en France en 2017, conclura : « À ce jour, aucun effet ou impact fort n’a été relevé sur l’environnement marin. » Un autre rapport, publié la même année par le Conseil national de la protection de la nature, rattaché au ministère de l’Écologie, estimera pour sa part que les impacts « les plus importants » de l’éolien en mer « concernent les oiseaux, par mortalité directe par collision », en particulier les goélands.
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2019 |
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Un potentiel « quasi illimité » |
En novembre 2019, l’AIE publie un rapport sur l’éolien en mer, dans lequel elle explique que, bien qu’il n’assure que 0,3 % de la production d’électricité mondiale, son potentiel est « quasi illimité ». « L’amélioration des technologies et la forte réduction des coûts placent ce potentiel de plus en plus à notre portée », explique l’AIE. Dans un rapport de 2021, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), une organisation intergouvernementale, affirme : « Le coût de l’électricité d’origine solaire et éolienne est tombé à des niveaux remarquablement bas. » L’indicateur utilisé est le LCOE, qui mesure le coût complet de production d’énergie pour un système donné, tout au long de sa durée de vie. Pour les projets de nouvelles mises en service d’éoliennes offshore, il a chuté de 48 % en 10 ans en moyenne dans le monde, selon l’Irena. Le LCOE de l’éolien en mer pour les mises en service de 2020 (0,084 dollar/kWh en moyenne) reste néanmoins plus élevé que ceux du terrestre (0,039), du photovoltaïque (0,057) et des énergies fossiles (0,076).
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2021 |
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De fortes résistances locales |
En mai 2021, la société Ailes marines entame le chantier d’un parc éolien offshore au large de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), un projet issu d’un appel d’offres lancé par le gouvernement 10 ans plus tôt. Ce parc doit comprendre 62 éoliennes, pour une mise en service fin 2023 [voir une infographie du Parisien]. Le projet fait face à une importante opposition de représentants des secteurs de la pêche et du tourisme. Le retard de la France dans le développement de l’éolien offshore s’explique en partie par ces résistances, estimait Marion Lettry, déléguée générale adjointe du Syndicat des énergies renouvelables, un syndicat professionnel, auprès de L’Usine nouvelle en 2018. « Aujourd’hui, les autres pays arrivent à réaliser des parcs éoliens en mer en quatre ou cinq ans, tandis qu’en France nous mettrions le double. Une fois que les autorisations sont obtenues, elles sont attaquées et il y a une période de recours qui peut durer trois ou quatre ans », explique-t-elle. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, a rejeté plusieurs recours d’associations qui demandaient l’arrêt du projet en baie de Saint-Brieuc.
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LE SAVIEZ-VOUS ? |
Éolien flottant et éolien posé |
Il existe deux types d’éoliennes en mer : celles qui sont posées directement sur les fonds marins, à faible profondeur (moins de 50 mètres), et celles qui sont placées sur une structure flottante rattachée au sol par un système d’ancrage avec des câbles. Dans cette dernière configuration, les éoliennes peuvent être installées plus loin des côtes et capter des vents plus forts. S’éloigner de la côte permet aussi « d’augmenter l’acceptabilité sociale des éoliennes offshore, parce que le partage de l’espace maritime y est moins problématique que près des côtes et que les critiques concernant l’impact paysager seraient amoindries », estimait la géographe Annaig Oiry dans un article de 2018. Elle soulignait que la France, bien que dotée du deuxième domaine maritime mondial, avait des fonds marins d’une « grande profondeur » en Méditerranée et à la pointe de la Bretagne, y rendant plus difficile l’installation d’éoliennes posées.
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