Le droit à l’avortement dans le monde |
La Cour suprême des États-Unis, la plus haute juridiction américaine, a révoqué la semaine dernière l’arrêt « Roe vs Wade », qui protégeait le droit à l’avortement dans le pays. En réaction, plusieurs députés français ont réclamé l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution pour le protéger. L’avortement a été dépénalisé dans de nombreux pays industrialisés dans la seconde moitié du XXe siècle, mais l’accès à ce droit reste limité dans la majeure partie du monde.
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L’avortement est l’interruption d’une grossesse avant son terme. Cette pratique a toujours existé, mais, en France, c’est « le christianisme qui va faire de l’avortement un crime » contre « l’enfant à naître », expliquait l’historienne Mathilde Larrere sur Twitter la semaine dernière. La libération sexuelle dans les années 1960-1970 et l’entrée des femmes sur le marché du travail ont poussé des pays industrialisés à légiférer sur la question. Actuellement, l’avortement est légal sans condition – sauf celle de respecter certains délais – dans plus de 70 pays, il est autorisé dans certains cas (après un viol, par exemple) dans une centaine de pays et complètement interdit dans une vingtaine, selon le Center for Reproductive Rights, une organisation américaine qui défend les droits reproductifs [voir la carte]. Un avortement peut être pratiqué de manière médicamenteuse ou chirurgicale. Lorsqu’il est réalisé clandestinement, dans de mauvaises conditions sanitaires, un avortement peut entraîner de graves problèmes de santé, voire la mort de la femme.
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1956 |
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La Chine encourage le recours à l’avortement |
En 1956, la Chine élargit l’accès à l’avortement à l’occasion d’une campagne de limitation des naissances. Trois ans plus tôt, un recensement avait révélé « que le nombre d’habitants (590 millions) dépassait les prévisions du gouvernement de plus d’un sixième. Ce constat a brutalement fait naître la crainte qu’une croissance démographique trop rapide ne compromette le développement économique », expliquait la démographe Isabelle Attané dans un article de 2005. La politique malthusienne – du nom de Thomas Malthus, un économiste britannique favorable au contrôle de la natalité – mise en place par le régime communiste culminera avec la politique de l’enfant unique adoptée en 1979. Des avortements forcés seront réalisés afin de la faire respecter. La politique de l’enfant unique conduira aussi de nombreuses familles à réaliser des avortements sexo-sélectifs à l’encontre des foetus de sexe féminin, entraînant une masculinisation des naissances.
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1971 |
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Le Manifeste des 343 brise un tabou |
Le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur publie un manifeste déclarant qu’« un million de femmes se font avorter en France chaque année », déplorant « la clandestinité à laquelle elles sont condamnées » et réclamant « l’avortement libre ». Le texte est signé par 343 femmes qui déclarent avoir avorté, parmi lesquelles la philosophe Simone de Beauvoir et l’actrice Catherine Deneuve. Considéré comme un délit, l’avortement est alors illégal et réprimé en France. Les signataires du Manifeste des 343 « posent pour la première fois la question de l’avortement comme une libération. Le débat se réoriente autour de la lutte des femmes pour la disposition de leur propre corps », expliquait l’historienne Bibia Pavard à Libération en 2021. Le Manifeste « constitue un jalon important » de l’histoire de la légalisation de l’IVG en France, jugeait-elle. Trois ans plus tard, un projet de loi porté par la ministre de la Santé Simone Veil dépénalise l’avortement en France jusqu’à 10 semaines de grossesse. Ce délai sera porté à 12 semaines en 2001 puis à 14 en février 2022.
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2018 |
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La « marée verte » déferle sur l’Amérique latine |
En mars 2018, des dizaines de milliers de femmes se rassemblent devant le Congrès argentin, l’équivalent du Parlement, pour afficher leur soutien au dépôt d’une proposition de loi visant à légaliser l’IVG. L’IVG est illégale dans la plupart des pays d’Amérique latine, une région du monde où les églises catholique et évangélique exercent une forte influence. Certains pays d’Amérique centrale ont interdit complètement l’avortement (Honduras, Salvador), même en cas de viol, et l’ont rendu passible de lourdes peines d’emprisonnement. En Argentine, le mouvement féministe a gagné de l’ampleur depuis 2015, année de forte mobilisation contre les violences faites aux femmes. En août 2018, la proposition de loi pour légaliser l’IVG est rejetée par le Sénat, l’une des chambres du Congrès, mais un nouveau texte de loi, déposé deux ans plus tard, sera adopté. Le foulard vert, symbole de la lutte pour le droit à l’IVG, sera repris par les mouvements féministes dans d’autres pays latino-américains, comme en Colombie, où l’avortement sera dépénalisé en février 2022.
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2020 |
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La Pologne restreint encore l’accès à l’avortement |
En octobre 2020, le Tribunal constitutionnel de Pologne, qui statue sur la conformité des lois, juge inconstitutionnelle une disposition de la loi autorisant l’avortement en cas de malformation grave et irréversible du fœtus ou de maladie incurable menaçant sa vie. Cette condition représentait la quasi-totalité des quelque 1 000 cas d’avortements légaux réalisés chaque année dans le pays. Désormais, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol ou si la grossesse présente un risque grave pour la santé de la femme enceinte. La décision provoque d’importantes manifestations en Pologne. Le Parlement européen dénonce une décision qui risque d’entraîner « une augmentation des avortements illégaux, dangereux et présentant un risque mortel » et rappelle la Pologne à ses obligations légales de « respecter » et « protéger » les droits des femmes. L’organisation Avortement sans frontières, qui aide les Polonaises à interrompre leur grossesse de manière sûre (pilule abortive, IVG à l’étranger), a reçu les appels téléphoniques de près de 32 000 femmes en 2021, six fois plus qu’en 2020.
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LE SAVIEZ-VOUS ? |
Les femmes suisses avortent peu |
La Suisse a l’un des taux de recours à l’IVG les plus bas au monde. Sur 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, seules cinq avaient eu recours à l’avortement en moyenne par an entre 2015 et 2019, selon l’Institut Guttmacher, un centre américain de recherche défendant le droit à l’IVG. À titre de comparaison, ce taux était de 14 femmes pour 1 000 en France et de 49 en Chine. La démographe Clémentine Rossier a déclaré cette semaine au site Swissinfo que le faible taux de recours à l’IVG dans le pays s’expliquait par « l’excellent système d’éducation sexuelle » à l’école, y compris dans les petites classes, et par un « très bon réseau de centres de planning familial ».
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